La fonction psychologique du travail

Résolument oui ! Le travail a une fonction psychologique et c’est pourquoi il interpelle au plus au point les psychologues lorsque le travail rend malade la psyché humaine. Alors doit-on parler de santé au travail ou de santé du travail? Quelques éclairages dans cet article en m’inscrivant dans la pensée de Yves Clot qui a théorisé ces questions.

Fonction psychologique du travail ou plus exactement fonction psychologique du collectif de travail. Je m’explique. Travailler, ce n’est pas seulement exécuter une tâche prescrite et contrainte par autrui, c’est surtout faire quelque chose de sa vie et de soi grâce et dans le travail lui-même. Autrement dit, le travail est un acte social qui amène la réalisation de soi au delà de soi. C’est participer à une histoire collective dans laquelle se développent des débats entre professionnels sur ce qu’il est juste ou pas de faire (au sens du justesse), ce qui est efficace ou pas, de ce qui doit se faire ou pas.

Travailler, c’est la possibilité de prendre des engagements avec et pour d’autres. De faire oeuvre utile dans quelque chose qui n’a pas directement de lien avec soi. Quelle belle définition de la réalisation de soi ? On comprend ainsi aisément les ravages du chômage, de la placardisation dans le travail ou de toute forme de désoeuvrement.

Alors pourquoi le travail peut rendre malade le psychisme humain?

Une citation de Yves Clot (« travail et santé » – Psychomedia n°2 – janvier/février 2005) : « Amputé de ce pouvoir d’agir, le travail fait mal. L’absence de débats d’école dégénère en querelles personnelles, dans lesquelles, en réalité le dernier mot est toujours dit d’avance. Je pense que les hommes se rendent malades quand ils n’ont plus d’histoire commune à faire vivre, autrement dit quand ils n’ont plus le sentiment, chacun à leur manière, de vivre la même histoire. Alors, nous constatons que les colllectifs de métiers dégénèrent en collections d’opérateurs ».

Quelle résonance dans un monde du travail qui exacerbe la performance et l’ambition individuelles, notamment dans le monde des cadres. Il ne s’agit pas ici d’une vision de l’organisation du travail comme une grande famille paternaliste , mais bien comme un collectif de gens de métiers qui « digère » les difficultés professionnelles, les conflits rencontrés dans l’activité. Toutes ces situations (nombreuses!) qui ne sont jamais prescrites par l’organisation du travail et qui, si ce collectif n’est pas vivant, laissent seul l’individu qui en devient malade ou entraînent des conflits de personnes ou du harcèlement. Là où il s’agit à l’origine de désaccords de pratiques et de métier non discutés et non discutables.

Yves Clot en rend bien compte lorsqu’il précise : » l’activité du sujet n’est pas seulement tournée vers l’objet de la tâche, mais tout autant vers l’activité des autres portant sur cette tâche, et vers ses autres activités à lui. L’activité psychologique au travail, c’est ce qu’on fait dans l’univers des autres pour y participer ou s’en détacher. C’est le travail à soi dans le travail des autres ». (La fonction psychologique du travail – p61 – PUF).

Alors soigner le travail, plutôt que l’individu?